Le deuil et l'exil, par Joëlle Leduc

Publié dans Aujourd’hui Credo

Magnifique samedi après-midi d’automne au cimetière Hillside à Morin Heights. D’ici, j’ai une vue sur le ciel d’un bleu éclatant, les arbres au feuillage chatoyant et la petite chapelle blanche en bas de la côte.

J’attends la famille du défunt, que je ne connaissais pas. Je ne les ai jamais rencontrés. Tout s’est fait au téléphone : “We want a simple traditional grave side service. Something short. The funeral has already been done in Toronto. No need for further conversation.”

Le défunt était membre de la paroisse, mais vivait à Toronto depuis plusieurs décennies. Il revient pour être enterré avec les siens. « C’est de plus en plus commun, me dit le fossoyeur. Beaucoup de gens sont partis trouver du travail à l’extérieur de la province, mais ils reviennent se faire enterrer ici, parce que leurs racines sont ici. » Et résonnent dans ma tête les paroles d’une chanson de Victor Court, vedette country locale, “When I pass away, and my bones are dust, and I am lying 6 feet deep, wrapped inside this land I love, I will never leave”.

Après un service simple, court et traditionnel, selon les vœux de la famille, les gens se dispersent doucement et vont visiter d’autres tombes dans le petit cimetière. Ils sont peut-être partis depuis plusieurs années, mais leur famille et leurs amis décédés sont ici, tout près les uns des autres.

De retour d’exil géographique, ils ont besoin d’entendre des mots familiers, traditionnels, qui font écho à leurs souvenirs d’enfance. De retour à leurs racines, le sentiment d’appartenance est déjà là et n’a besoin que d’être confirmé.

***

À Sainte-Adèle, notre paroisse francophone, l’exil est bien différent. Alors que pour la communauté anglophone l’exil est géographique, pour beaucoup de franco-protestants, l’exil est religieux. Trois paroissiennes ont perdu chacune un parent cette année, mais les funérailles n’ont pas eu lieu dans notre paroisse. Elles ont eu lieu à l’église catholique, parfois tout près, parfois dans une autre ville. Le dimanche après ces funérailles, nous avons fait de notre mieux pour accueillir le deuil en exil, en allumant un cierge, en chantant à la mémoire du défunt ou de la défunte, et en enveloppant de prière les personnes en deuil, affirmant que dans les ténèbres, il y a la lumière, dans la tristesse, il y a l’espoir, et dans la mort, il y a la vie et l’amour éternel.

Vécu à même le culte habituel du dimanche matin, ce moment de commémoration se veut une affirmation d’accueil inconditionnel… Tu es ici chez toi. Tu comptes pour nous. Ton deuil est aussi le nôtre. Nous sommes là pour le vivre avec toi et chercher ensemble la présence aimante de Dieu dans les moments difficiles.

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